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Au 30e étage d’un condo du centre-ville de Los Angeles, Gina Savoie a une vue imprenable sur cette cité des anges, incarnation du rêve américain. Son regard se pose aussi sur ce long chemin, parcouru de mille et un métiers, et sur ce vaste monde devenu aujourd’hui son terrain de jeu.la flight 20160129_171957

« Toute jeune, je ne me voyais pas passer ma vie à Joliette, mais sans trop savoir ce que je voulais faire. Mais jamais je n’aurais pensé me retrouver à Los Angeles pour diriger une entreprise ». L’ancienne élève du Séminaire de Joliette, où étudiait aussi Benoit Grenier, aurait encore moins imaginé, trente ans plus tard, que « nos vies seraient unies professionnellement et personnellement ».

Une chose est sûre : Gina est un bourreau de travail qui carbure au défi. « J’ai toujours vu ma mère travailler pour subvenir aux besoins de sa famille », dit Gina, dont le père est décédé d’un accident de travail alors qu’elle n’avait que trois mois. « C’est une fille travaillante, déterminée et tellement curieuse de tout », dit Benoit. Dans l’album de fin d’année des études secondaire, une élève écrit même que Gina est toujours en contradiction avec les professeurs. En fait, elle était plutôt « toujours en train de poser des questions aux professeurs afin de savoir pourquoi, de mieux comprendre. Elle n’était jamais satisfaite d’une première réponse », précise Benoit. Une ligne directrice qui suit encore celle dont le livre de chevet s’intitule The CEO’s Secret Weapon. « J’adore apprendre, c’est sûrement une de mes raisons de vivre. J’ai tellement de choses à voir, à apprendre et comprendre. Je m’intéresse à tout. C’est peut-être pour ça que j’ai réussi à faire ma place », dit Gina.

Fonceuse et touche-à-tout

gs 20130809_205846Gina s’est retrouvée sur le marché du travail à 18 ans, à l’emploi d’une boutique de vêtements dont elle est rapidement devenue la gérante. « J’ai accepté le poste, même si ça demandait d’être bilingue. Je me suis débrouillée pour apprendre un anglais fonctionnel le plus rapidement possible », dit-elle. Louise Giroux, une amie de Gina, se rappelle d’une patronne très exigeante qui voulait avoir des employés travaillants et avait le souci de bien gérer les comptes. « Je la vois encore avec sa calculatrice. Elle gérait la boutique comme une femme mature de 40 ans », souligne Louise Giroux qui était alors vendeuse à temps partiel pendant ses études collégiales en comptabilité. Celle qui est aujourd’hui propriétaire d’une agence de voyage, sur la Rive-Sud de Montréal, dit avoir rapidement tissé des liens avec Gina. « Tu ne rencontres pas tous les jours des jeunes de 18 ans qui savent où ils s’en vont, qui ont les idées claires et sont bien «groundé». C’est une personne de tête, qui mesure toujours les conséquences de ses gestes et est toujours prête à avancer. Elle est tournée vers les autres, complètement à l’opposé du je-me-moi », dit Louise Giroux qui a récemment passé quelques jours de vacances avec Gina à Las Vegas. « On se voit moins depuis qu’elle vit à Los Angeles, mais elle ne manque pas de venir faire son tour à l’agence quand elle vient au Québec. Et il y a toujours Facebook pour garder contact ».

Gina a travaillé trois ans dans des boutiques de vêtements, chaussures et accessoires, à Joliette, Victoriaville et Montréal, avant de se trouver un emploi de réceptionniste-dactylo chez Datacard Canada, une entreprise de Ville Saint-Laurent et filiale d’un géant américain qui produit la majorité des cartes financières émises dans le monde. « Je ne connaissais rien à ce secteur d’activité, mais je trouvais que c’était un domaine d’avenir et intéressant ». Elle y restera douze ans, de 1986 à 1998, non sans y avoir rapidement gravi les échelons. « Au début, je répondais au téléphone et faisais des entrées de données ». Son patron, un programmeur, qui constate son efficacité et son grand désir d’en faire plus, lui propose aussi de faire la traduction de documents internes et de manuels d’opération. Encore là, elle s’assure de pouvoir accomplir le boulot en poussant plus loin ses connaissances de l’anglais. « Une anglophone de Joliette me donnait des cours le soir », souligne Gina, qui devait en plus faire la navette et trois heures de route aller-retour entre sa ville natale et Montréal.

Après seulement quelques mois à son poste de réceptionniste, elle est nommée coordonnatrice de bureau, puis directrice des ventes et services pour l’est du Canada. En 1998, une vague de restructuration la force à quitter son emploi. « On m’a offert un poste à la maison-mère au Minnesota, mais je venais tout juste d’accoucher de ma fille et je ne me sentais pas prête à déménager », explique Gina qui avait aussi un fils de trois ans. Elle se trouve alors un emploi chez Sany, une entreprise de Joliette spécialisée dans la fabrication de produits sanitaires et d’équipements d’entretien qui l’embauche pour son expérience en gestion et son bilinguisme. Elle occupe le poste d’adjointe à l’acheteur, puis succède à son patron quelques mois plus tard, et restera en poste deux ans.

La femme-orchestre

En 2000, elle saisit l’occasion de se joindre à JSP, un fabricant de mobiliers haut de gamme pour l’industrie hôtelière située à Sainte-Mélanie, à titre de secrétaire à la direction auprès du président et fondateur Jacques Perreault. « Gina ne comptait pas ses heures. Elle finissait toujours le travail qu’il y gs 20130803_192610avait à faire. C’est une femme très débrouillarde. C’était mon bras droit », fait valoir M. Perreault en soulignant qu’elle réussissait à accomplir efficacement tout le boulot en cumulant aussi le rôle de mère monoparentale avec deux jeunes enfants.

Même si elle a tenu le même poste pendant 10 ans, ses tâches et responsabilités se sont accrues au fil des ans. « J’ai touché à peu près à tout, sauf l’approvisionnement ». Elle s’est occupée entre autres de facturation et d’appels d’offres, de la logistique de transport,  et assurait les relations avec les représentants commerciaux et les clients. Avec grande honnêteté et intégrité. « Si la livraison était retardée, elle disait la vérité aux clients et s’organisait pour qu’ils soient finalement entièrement satisfaits. Elle retournait aussi les appels très rapidement, ça ne traînait pas pendant des jours », se souvient M. Perreault. Il souligne aussi sa mémoire phénoménale des noms et sa facilité à reconnaître quelqu’un au téléphone seulement par la voix. Ce qui favorisait les relations personnalisées avec des clients ou des employés de l’entreprise. « Elle a beaucoup d’entregent et était toujours de bonne humeur et souriante avec tout le monde », précise-t-il.gs 20151121_134133

Son bilinguisme était aussi un atout. « Ça nous aidait beaucoup parce que nous faisions beaucoup affaires avec le marché des États-Unis », dit M. Perreault qui a ressenti une grande perte lors du départ de Gina à l’automne 2010. « Plusieurs personnes ont occupé son poste depuis son départ et ça été difficile avant de finalement trouver une remplaçante aussi compétente. Mais je suis très content pour elle », dit M. Perreault à qui Gina rend encore visite. « J’ai beaucoup appris pendant ces dix années. L’ambiance de travail était fabuleuse et on m’a traitée comme si je faisais partie de la famille ». Gina ne pouvait toutefois pas espérer gravir plus haut les échelons de cette entreprise familiale fondée il y a près de 50 ans et aujourd’hui dirigée par les trois enfants de Jacques Perreault.

Or, le destin devait à nouveau la guider vers de nouveaux défis. Une rencontre fortuite avec Benoit Grenier, qu’elle avait connu à l’école primaire et secondaire de Joliette, l’amène à joindre son entreprise spécialisée dans la gestion de risques. « J’avais besoin de quelqu’un pour soutenir le développement de l’entreprise et qui parlait anglais », dit Benoit. Si Gina et Benoit ne fréquentait pas les mêmes cercles d’amis pendant leurs études primaires et secondaires, il fait alors connaissance avec une femme « bourrée de talents qui veut toujours aller au fond des choses », dit-il, en précisant que Gina répondait aux critères de base pour travailler dans ce domaine d’activité : rigueur et exécution ! « Gina ne s’attaquera pas à des dossiers qui pourraient les mettre en péril. Elle sait parfaitement observer et analyser les risques et va redoubler d’efforts pour arriver à ses fins », constate d’ailleurs Claude Hotte, conseiller en management, qui dirige la firme Gestion-Conseil CGH.

Gina a mis les bouchées doubles pour se familiariser avec son nouveau domaine professionnel. « Si on ne m’avait pas dit qu’elle n’avait aucun background, je ne m’en serais jamais douté. Elle a une palette de connaissances très variée », affirme Chris Hubbard, avocat et associé du groupe de litige au cabinet McCarthy Tétrault, à Toronto, qui a travaillé avec Gina sur un projet commun auprès d’un grand détaillant canadien.

gs FB_IMG_13919194618829571Pour pousser encore plus loin ses aptitudes, Gina profitera des conseils de Claude Hotte à titre de coach privé. Ensemble, ils travaillent à peaufiner ses habiletés d’organisation (gestion du temps, planification de projets) tout en développant davantage ses qualités de leadership. « Il y a une part innée, mais une autre aussi qui s’apprend », explique M. Hotte, en précisant que Gina possède des qualités essentielles, et pas nécessairement répandues, pour réussir non seulement dans le milieu des affaires, mais aussi dans la vie. « Elle a énormément d’écoute. Elle va préférer comprendre plutôt que porter des jugements et elle n’a surtout pas le défaut de mettre son ego sur la table lors de discussions. Elle est toujours à la recherche d’une situation gagnante pour les deux parties », fait valoir M. Hotte. Il ajoute l’avoir « vue tiré son épingle du jeu dans des rencontres d’affaires difficiles en faisant preuve de créativité et en évitant que la tension monte ».

PARM-8020_buttonGina a aussi pris le chemin de l’université pour accentuer ses habiletés de gestionnaire. En janvier 2015, elle s’est inscrite au Programme Exécutif pour cadres à l’Anderson School of Management, l’école de commerce de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), qu’elle a complété avec succès. « C’est un programme difficile qu’elle a réussi en mettant le temps et les efforts nécessaires », dit Chris Hubbard qui avait soutenu sa candidature auprès de cette prestigieuse université. Aujourd’hui, « elle peut tenir des conversations intelligentes aussi bien avec des présidents d’entreprises, que des spécialistes en finance ou en marketing », constate Claude Hotte qui a continué de l’appuyer pendant ses mois d’études.gs feu 20151105_173526

En 2013, Benoit et Gina décidaient de s’installer à Los Angeles pour y créer une nouvelle entreprise, Proactive Risk Management, dont elle est vice-présidente. « Il y a beaucoup d’occasions d’affaires », fait valoir Gina en soulignant l’effervescence qui règne dans cette agglomération urbaine de plus de 18 millions d’habitants, aux mille possibilités. « Je n’aimerais pas y finir mes jours, même si j’aime beaucoup la ville. C’est même très stimulant ». Entretemps, Gina s’apprête à relever un autre défi d’envergure : le rôle de présidente de l’entreprise. « Elle est prête à prendre encore plus de place », constate fièrement Benoit.

Encadrés:

http://www.parm8020.com/2016/02/23/from-joliette-to-los-angeles-l-a-gina-savoie/

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